Kundera, les communistes et la médiocrité

Les derniers titres des « grands » quotidiens français ce lundi 13 octobre : Milan Kundera aurait collaboré avec la police secrète communiste. S’ensuit un pseudo article copié d’une dépêche AFP qui cite un rapport de l’Institut tchèque d’études des régimes totalitaires (quel titre, tout ça pour étudier son propre passé). Kundera aurait un matin de mars 1950, à une époque où le communisme faisait encore rêver (et pas qu’en Europe de l’est), dénoncé un de ses camarades qui a finit en prison. L’histoire est peut être vraie mais que vient-elle faire là, maintenant? Pourquoi ne dit-on pas combien parmi les 10 milions de tchèques ont collaboré avec la police communiste à un moment de l’histoire? Pourquoi ne parle-t-on pas de Kundera qui a inlassablement dénoncé ce régime devenu totalitaire depuis les années 60? Quel sens donner à cette « banalité » de l’histoire? Faut-il juger Kundera pour cette délation dont on n’est même pas sûrs? Faut-il brûler ses livres et rayer son nom des bibliothèques litéraires?

Mais la médiocrité de l’information ne s’arrête pas là, puisqu’on a de nos jours accès aux commentaires des lecteurs de ces mêmes journaux. Je citerai ce lecteur du Monde qui s’improvise critique littéraire de supermarché et ne s’étonne guère de cette nouvelle puisqu' »il y a quelque chose de fabriqué, d’insincère dans toute son œuvre et qui suscite le malaise ». De quel malaise parle-t-il? Comment a-t-il lui seul démasqué le subterfuge d’un auteur considéré comme un des maitres du roman contemporain? Un autre lecteur traite Kundera de « crapule ». Un troisième appelle à le juger pour son crime.

Je ne vois qu’une explication à cet étalage pitoyable de révélations absurdes et de lynchage gratuit : le génie suscite parfois le respect, souvent la jalousie. Maintenant que chaque citoyen ordinaire peut donner son avis sur le site des « grands » journaux pour 5 euros par mois, on prend vite peur face à la surprenante médiocrité de cette masse jadis silencieuse. Si l’information se trouve réduite à des « scoops » loin de tout éclairage social, historique ou moral, où va-t-on?

Kundera doit se demander dans quelle société il vit. Moi aussi.

Une réflexion sur « Kundera, les communistes et la médiocrité »

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