Miami City Ballet

Les invités du moment des Etés de la danse à Paris affichent une programmation alléchante : un trio de petits tableaux enchainant du Balanchine sur du Tchaikovsky, du Bach et du Sinatra. De quoi remplir le Théâtre du Chatelet. Le premier tableau s’ouvre sur un décor d’un kitsh très américain… les danseurs se déplacent en mouvement ordonnés, les tutus balancent, c’est mou, sans intérêt, on s’ennuie mais heureusement que c’est fini. Le second tableau est plus moderne, des danseurs habillés en guêpes et des mouvements plus agressifs. C’est mieux mais les danseurs oublient souvent de se coordonner et nous sommes loin de l’extase. Le dernier tableau finit par enlever tout espoir : sur neufs enchainements de Sinatra, des couples entrent en scène, effectuent une danse de cabaret au rythme complètement déconnecté de la musique… jusqu’à un tableau final où on retrouve tous les couples sur la même scène pour nous répéter leurs mêmes pas, encore sans rapport avec le fond sonore.

Et c’est là où je me suis rappelé tous ces Preljocaj où les danseurs ont des ailes, les corps sont légers quand ils s’envolent et lourds quand ils tombent, les gestes d’une précision et une synchronisation impressionnantes… Le Miami City Ballet en est très très très loin (à moins qu’ils n’aient envoyé en France les remplaçants?). A fuir. (Note : 1/5)

Anna Karénine, le ballet

Que donneraient les grands classiques de la littérature russe en ballet ? Boris Eifman, chorégraphe russe qui dirige le ballet de Saint-Pétersbourg depuis plus de trente ans, tente d’y répondre avec des créations comme L’Idiot, Les Frères Karamazov, Anna Karénine ou plus récemment La Mouette. Son retour en France avec Anna Karénine permet de redécouvrir ce ballet magnifique que j’avais eu l’occasion de voir une première fois au New York City Ballet en 2005. Sur une musique de Tchaikovsky, entre classicisme et modernité, et dans une exigence où les corps sont poussés à leur extrême limite, nous y accompagnons Anna dans sa folie et son déchirement entre la traditionnelle vie familiale et une passion dévorante pour son amant, dont l’issue, « à la russe », ne peut être que fatale. Splendide. (note : 5/5)

Suivront mille ans de calme

La dernière création de Preljocaj est ambitieuse : collaboration avec le Théâtre du Bolchoï (10 danseurs du Bolchoï participent à la chorégraphie), musique de Laurent Garnier, inspiration de l’Apocalypse de Saint Jean… la barre est très haute mais le résultat dépasse les espérances : une scénographie aux inspirations indiennes impeccable, une musique électronique envoutante ponctuée de quelques passages de Beethoven, des gestes toujours aussi précis et une émotion à son comble. Comme le dit Preljocaj, la danse « stigmatise nos rituels, révèle l’incongruité de nos postures qu’elles soient d’ordre social, religieuses ou païennes. Suivront mille ans de calme voudrait effleurer cette dérive aveugle des corps, ballottés par des idéaux et des croyances, un peu perdus entre les lignes de l’Apocalypse ». Le résultat de cette réflexion est un ballet engagé qui « dévoile » les fléaux cachés dans les recoins de nos sociétés… et après, si on s’en sort, suivront effectivement mille ans de calme… Splendide ! (note : 5/5)

Hommage aux ballets russes

Preljocaj entame une tournée estivale en faisant revivre deux classiques de son répertoire : Noces et Le Sacre du Printemps. Le premier évoque les traditions des mariages des Balkans où les cérémonies portent un arrière goût de drame tandis que le second met en scène la brutalité du désir érotique… avec pour points de rencontre deux musiques fascinantes de Stravinsky, une brutalité évocatrice des rituels païens ancestraux et une mise en scène d’un érotisme cru. Vous ajoutez à cela le décor du bassin de Neptune à Versailles et le rêve est entier. A (re)voir. (note : 5/5)

Siddharta

Preljocaj revient avec une nouvelle création pour l’Opéra de Paris, le ballet Siddharta inspiré du mythe de celui qui donnera naissance au Bouddhisme. La courte description sur le site de l’Opéra est accrocheuse : « au-delà du simple récit, il dévoile les tourments et les mystères de ce long voyage intérieur, semé d’embûches, d’incertitudes et de doutes. » Malgré un début prometteur, on finit vite par ne plus  reconnaitre ce qui fait la force d’un Preljocaj : les gestes sont imprécis (c’est vrai que l’Opéra de Paris n’est pas le temple de la danse contemporaine), la musique est insignifiante ou agaçante, la scénographie sans intérêt… ou ridicule comme dans cette scène où l’Éveil apparaît dans un halo de lumière devant une énorme maison pendue au ciel… Tout cela finit par de timides applaudissements, on se hâte de quitter la salle et d’oublier qu’il s’agissait d’un Preljocaj. (note : 2/5)

Preljocaj et les sept nains

Longtemps après Romeo et Juliette, Preljocaj renoue avec les histoires et nous raconte Blanche Neige des frères Grimm sur une musique de Mahler. Comme le dit Preljocaj lui-même, Blanche Neige est un « grand ballet romantique et contemporain ». La marque de fabrique du chorégraphe y est bien visible et on retrouve ces mouvements d’une sensualité extrême qu’il sait si bien insuffler à ses danseurs. Même si les moments intenses ne manquent pas (notamment ceux mettant en scène la méchante belle mère habillée par Jean Paul Gaultier), le rythme n’est pas soutenu et certains passages sans grande originalité trainent en longueur (la vie de chateau en début de ballet par exemple). Ballet merveilleux même s’il lui manque une petite dose de force dramatique et de cette créativité surprenante auxquelles Preljocaj nous a habitué. (note : 4/5)

Les 4 Saisons de Preljocaj

Les ballets de Preljocaj sont ce que j’appellerai une manifestation du Beau. Les 4 Saisons, spectacle crée en 2005 sur la symphonie de Vivaldi, ne fait pas exception. Le ballet étonne parce qu’il s’écarte du registre dramatique d’autres ballets du même chorégraphe comme Roméo et Juliette ou Annonciation. Nous sommes surpris par le foisonnement des couleurs, les formes qui parcourent le plafond et les pointes d’humour (comme les bonshommes verts ou l’homme éponge). Mais la magie et la sensualité, tellement rares dans les spectacles « modernes », ne font pas défaut et Preljocaj réussit, encore une fois, à nous faire rêver. Enchanteur et magnifique. (note : 5/5).

Roméo & Juliette

On peut voir à trois reprises l’adaptation de Roméo & Juliette de Preljocaj et en ressortir à chaque fois époustouflés. Le mélange Preljocaj (pour la chorégraphie surpenante)/Bilal (pour les décors et les costumes)/Prokoviev (pour la musique) a quelque chose de magique. On oublie qu’on a déjà vu/entendu cette histoire un nombre incalculable de fois et on se laisse emporter dans un monde totalitaire où la danse sensuelle des deux amants représente le seul espoir. Magnifique. (note : 5/5)

Preljocaj/McGregor : les deux extrêmes

A l’Opéra Garnier se joue un dyptique de deux ballets de 40 minutes : Le Songe de Médée de Preljocaj et Genus de McGregor.

Le Songe de Médée est encore une manifestation du « beau Preljocaj »… c’est un beau sensuel, légèrement érotique, léger et coloré, avec une pointe de violence humaine et toujours surprenant de créativité. Preljocaj met en scène le mythe de Médée ponctué d’érotisme et de vengeance. Spectacle époustouflant qui traduit tout le talent du chorégraphe (note : 5/5).

Genus est un spectacle surprenant… de manque de talent et son inutilité esthétique… une musique électronique sans saveur, des costumes noirs et blancs horribles, des danses saccadées entrecoupées de vidéos stroboscopiques d’animaux et de fœtus. Après l’étonnement vient l’ennui, on a passé un mauvais moment, on est triste de voir cette horreur succéder à la magie Preljocaj. (note : 0/5)

Roméo & Juliette / Sasha Waltz

Sasha Waltz fait vivre le Roméo & Juliette de Hector Berlioz dans une chorégraphie moderne qui utilise tout l’espace de l’Opéra Bastille à Paris. Sous une direction musicale de Valery Gergiev (directeur du Mariinsky de St-Petersbourg), les danseurs évoluent dans un décor minimaliste évoquant un livre géant qui s’ouvre au fur et à mesure que le piège du destin se renferme. La tragédie est complète, l’émotion aussi. A voir. (note : 4/5)