Liban, nation martyre

En 1976, Robert Fisk arrive au Liban pour couvrir le début de la guerre libanaise pour le compte du Times. Il ne sait pas encore qu’il passera les prochaines années de sa vie au Liban (où il habite encore) et couvrira (pour le Times, puis pour The Independant quand la ligne éditoriale de Robert Murdoch laisse de moins en moins de place à la critique) un des conflits les plus complexes de la fin du XXème siècle.
Inlassablement, et avec un courage inouï, il brave tous les dangers et malgré et contre tout (bombardements, check points, kidnappings, etc.), il reste là où beaucoup d’autres ont déjà abandonné pour raconter la vérité, non pas celle très partielle des israéliens, ou des palestiniens, ou des divers milices libanaises, mais celle dérangeante où tout le monde est responsable parce que la violence est aveugle de tous les côtés.
Dans une épopée impressionnante de courage et de vérité, Fisk livre dans les 900 pages de Liban, nation martyre un condensé de cette période, entre journalisme et analyse politique, entre espoir et désillusion, mais avec une détermination pour raconter la vérité qui ne peut que laisser bouche bée. D’une tristesse sans fin mais grandiose. (note 9,5/10).

Le Passage de la nuit de Haruki Murakami

Le dernier Haruki Murakami est pour le moins qu’on puisse dire décevant (comparé à Kafka sur le rivage, Chroniques d’un oiseau à ressort, …). Le style, les ambiances, les personnages… tout semble être en format dégradé, presque bâclé, même si à travers quelques phrase on croit reconnaître la touche Murakami. Bref, à éviter sauf si vous avez déjà lu tous les autres Murakami. (note 5/10)

Bonjour tristesse… pourquoi déçu ?

Je viens de finir Bonjour tristesse, le roman « culte » de Françoise Sagan. Un sentiment banal: la déception. Pourquoi ?
– tout d’abord, il y a le mythe. Le titre est souvent suffisant à évoquer quelque chose plus ou moins précis. Parfois on ne sait pas de quoi il s’agit mais on sent qu’on devrait le savoir.
– ensuite il y a la préface et le commentaire en quatrième de couverture, un livre « scandale » écrit en 1954, une représentation de ce que serait « la deuxième moitié du XXe siècle […] à l’image de cette adolescente déchirée entre le remords et le culte du plaisir ». Le mythe est confirmé, on s’attend à un écrit révélateur, un chef d’oeuvre qui nous laisserait pantois, une petite merveille.

J’ai donc attaqué le roman avec l’excitation de bientôt rentrer en extase (un peu comme quand j’avais commencé l’Insoutenable légèreté de l’être de Kundera)… mais rien de cela ne s’est produit. Le roman devait être terriblement osé et original pour l’époque mais l’héroïne, une adolescente qui vit une série de découvertes fondamentales (son corps, la complexité des humains, des sentiments, la tristesse, l’envie, …), peine à paraître crédible dans son rôle mal interprété: manipulatrice et d’une lucidité qui tranche avec son inexpérience de la vie.

La première réaction serait de crier à la supercherie. Mais finalement, le mythe n’en était peut-être pas, et la préface n’engage que « Pocket » qui aimerait encore voir s’écouler beaucoup d’exemplaires. Ce qui est certain, c’est que la deuxième moitié du XX siècle ne ressemble sûrement pas à cette adolescente qui peine à rester dans son rôle. (note: 5/10)

L’Usage du monde de Nicolas Bouvier

Je viens de lire le dernier mot de L’Usage du monde de Nicolas Bouvier agrémenté des dessins de Thierry Vernet, son compagnon de voyage pendant 17 mois dans les années 50 de la Yougoslavie jusqu’à l’Inde à travers la Turquie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan.

Il y a toujours eu des voyageurs qui racontent leur voyage… certains de manière photographique où les mots ressemblent à des images qui décrivent l’espace, d’autres essayant de saisir des instants et donner une dose d’humanité à leur description. Mais c’est la première fois que cette description devient exploration et découverte bien au delà de l’image. Les espaces que visitent les deux suisses prennent vie, leurs rencontres deviennent les nôtres, leur humilité devient un sésame pour saisir et comprendre de manière unique les occupants d’un monde qu’on croirait disparu. La campagne turc, les villes iraniennes et pakistanaises, les coupes-gorges afghans… autant de régions tristement médiatisées prennent vie, et sont ressuscitées (pour nos regards d’occidentaux incultes) par des phrases simples mais qui traduisent si bien l’esprit des deux voyageurs: ce n’est qu’avec humilité qu’on peut approcher et comprendre des sociétés millénaires que cachent les apparences arriérées de ces contrées.
Merci encore à M&Mme Boulous pour cette magnifique découverte que je recommande vivement.

Les Origines d’Amin Maalouf

Dans son dernier roman (Origines), Amin Maalouf n’a pas souhaité conter une fable inspirée de son Orient natal comme il sait si bien faire. Il a préféré décrire cet Orient; et plus précisément la montagne libanaise qu’ont connu ses ancêtres entre le début du 19ème siècle et la moitié du 20ème. C’est une histoire de villages chrétiens perchés dans le Mont-Liban, d’exils dans les Amériques, de guerres et de bouleversements politiques, de tragédies familiales, de rêves déçus et d’espoirs exaucés. Une histoire qui ressemble étrangement à celle de beaucoup familles libanaises où l’exil devient une partie de l’identité et les origines plus difficiles à enfermer dans des frontières. A lire absolument.

En attendant Godot

Je viens de relire le chef d’oeuvre de Beckett qui n’a plus besoin d’être présenté. La force des chefs d’oeuvre vient de leur capacité à toujours surprendre. Celui-ci surprend avant tout par sa simplicité : deux hommes, aux allures de clochards, attendent un dénommé Godot, dans un paysage désertique où seul un arbre nu fait le paysage. Le langage aussi est d’une étonnante simplicité, mais la trame se tisse d’elle-même, comme si de rien n’était, sans contours précis mais avec le sentiment d’assister à une scène universelle et intemporelle : l’attente, et l’espoir qui en découle mais qui ne fait pas oublier la lourdeur du présent. Beckett a refusé de commenter son texte, je ne pourrai pas dire en plus, mais chacun lui trouvera un sens, troublant probablement mais d’une puissance propre aux grands textes.

Le Mystère de la crypte ensorcelée

Léger, sans prétentions, mais sans concessions non plus, le roman d’Eduardo Mendoza suit les traces de ceux de Montalban dans les méandres des polars barcelonais où le héros, un délinquant fou à moitié repenti, livre une vision décalée et impitoyable de la société espagnole, mais toujours avec finesse, pas forcément du langage mais de l’esprit, et dieu sait combien il peut être difficile de manier l’une sans l’autre.

La Salle de bain

Il y a une dizaine d’année, dans un cadre plus scolaire, j’ai découvert La Télévision de Jean-Philippe Toussaint. J’étais déjà étonné par cet auteur profondément contemporain mais dont les romans ont un je-ne-sais-quoi d’atemporel. La Salle de bain (son premier roman) est l’histoire d’un passage (voyage ?) dans un espace réduit : tout simplement une salle de bain. Mais pendant ce voyage, les sens sont aiguisés à l’extrême; on hésite entre le sentiment d’effacement pour mieux observer le monde et celui de tourner autour de soi-même les yeux bandés. Dans tous les cas, on sent le temps passer, ou plutôt non, on ne le sent pas, on sent que dans l’absurdité de l’inaction, quelque chose d’irrémédiable et d’unique se passe. Roman étonnant à découvrir.

Route de la soie

J’ai fini hier soir le premier tome de Longue marche de Bernard Ollivier, sexagénaire à la retraite qui a parcouru entre 1999 et 2003 la route de la soie entre Istambul (Turquie) et Xian (Chine) en passant par l’Iran, le Turkménistan, l’Ouzbekistan, soit environ 12,000 km… à pieds !! Récit fabuleux de rencontres, découvertes et voyage dans le temps et l’espace. A découvrir absolument.