Le Dernier Amour du Président

Andreï Kourkov (auteur du Pingouin, entre autres) livre sa dernière vision loufoque mais tellement réaliste de la société ukrainienne post-soviétique à travers l’histoire amusante d’un citoyen qui se retrouve Président de l’Ukraine… sans vraiment le choisir ni savoir comment. Entre drames, désillusions et sourires, on se laisse emporter dans l’univers coloré de cette société qui ballote encore entre orient russe et occident européen. A la hauteur de ses précédents romans. (note : 4/5)

Endiablade

Cette nouvelle de Mikail Boulgakov raconte l’histoire d’un modeste fonctionnaire soviétique des années 1920 dont l’existence va se transformer en cauchemar sous l’effet d’une bureaucratie tentaculaire qui le mènera à la folie. Une satire sociale dont Boulgakov a le secret et qui n’est pas sans rappeler le procès de Kafka (paru quelques années plus tard). (note : 4/5)

Vie et destin (le roman)

Dans son roman, Vassili Grossman nous fait voyager dans l’URSS de la seconde guerre mondiale à travers le destin de plusieurs personnages entre Stalingrad, Moscou, la Loubianka (la prison du KGB) et les camps nazis. Pour reprendre la quatrième de couverture, « l’auteur s’interroge sur la terrifiante convergence des systèmes nazis et communistes ». Ce n’est donc pas par hasard que son livre a croupi dans les geôles soviétiques et n’a jamais été publié de son vivant.

Mais ce n’est pas uniquement le caractère libre et contestataire pour l’époque qui fait le seul intérêt de ces quelques milles pages de roman, c’est surtout la puissance de la vision philosophique de l’homme (à la fois faible et cruel) du XX siècle, la précision des descriptions qui donnent la chaire de poule, et cette profondeur (tragique) des personnages qu’on retrouve dans le roman russe (Dostoïevski, Tolstoï, …). Bref, vous l’aurez compris, on parle ici d’un chef d’œuvre dont la discrétion est un mystère. Une découverte qui laisse la bouche bée. (note 5/5)

Le rideau de Kundera, ou l’héritage de Cervantes

Le rideau, essai en sept parties publié par Kundera en 2005, ressemble à une tombée de rideau sur l’œuvre du romancier. L’auteur y aborde les thèmes centraux de son œuvre : l’art du roman hérité par Cervantes (Don Quichotte) et Rabelais, le rire, le kitsch et la dimension existentielle du roman, ces mêmes thèmes que j’avais eu l’occasion d’approfondir il y a plusieurs années dans ma plongée dans l’œuvre de Kundera. Kundera y aborde également (avec plus ou moins de succès) d’autres thèmes aux allures de fin de règne : la mémoire, l’oubli, le caractère éternel du roman.

Si cet essai reste indispensable pour tout passionné de l’œuvre de Kundera, il s’inscrit profondément dans cette œuvre (le lire tout seul sans avoir lu l’œuvre de Kundera serait une déception) dont il constituerait la triste fin. L’essai s’achève en effet dans une affirmation rapide et désabusée du caractère « périssable du roman ».

On y retrouve néanmoins (rarement…) les éclairs de génie de l’auteur, ces réflexions aux allures anodines mais qui laissent pantois, comme après une décharge électrique. Les réflexions sur la « beauté d’une soudaine densité de la vie », la démystification du kitsch (comme une variation de la vulgarité) et de la logorrhée mondiale (« la lecture est longue, la vie est courte ») constituent quelques exemples de ces émotions uniques que Kundera seul sait donner à ses textes. Bref, à lire… mais après les autres écrits de l’auteur. (note : 4/5)

Anthologie de nouvelles japonaises

L’Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines est, comme toute anthologie, un voyage rempli de surprises et découvertes. La nouvelle est un exercice à part, difficile de par la taille qui est inversement proportionnelle aux attentes : on attend l’intensité dramatique d’un roman concentrée en quelques pages. L’anthologie en question réussit ce défi et, malgré quelques déceptions, nous emporte dans la richesse de la littérature japonaise qui ne se réduit pas aux quelques écrivains dont la renommée a déjà dépassé les frontières (Mishima, Kawabata, …). Le kaléidoscope est riche en couleurs et émotions et on n’a qu’une envie : noter la dizaine de nouveaux noms (Uno, Nakamura, Takeda, Yoshiyuki, Kaiko, Sata, Hara, etc.) et aller vite découvrir la matière plus dense qu’ils ont créée. (Merci à M. et Mme B. pour l’idée originale). (note : 4/5)

Lunar Park

Dans son dernier roman, Bret Easton Ellis se met en scène dans un univers inquiétant où les monstres qu’il a crées dans ses précédents romans resurgissent pour hanter l’écrivain paisible. La banlieue résidentielles chic commence à se déformer sous les regards angoissés et hallucinés de l’auteur/héros et ressemble de plus en plus à ces décors de films d’horreurs qu’il sait si bien créer. Avec une intrigue plus subtile que ces précédents romans (mais sans toutefois faire de concessions sur son style cru aux limites du gore), il réussit encore une fois à nous étonner. Surprenant. (note : 4/5)

Le Rocher de tanios

Le roman culte d’Amin Maalouf mérite bien sa renommée… et son auteur celle de conteur. Le récit nous projète dans la montagne libanaise du XIX siècle et ses intrigues locales au milieu de bouleversements régionaux qui mettaient face à face les grande puissances occidentales et les empires orientaux de l’époque. L’imaginaire de l’auteur fait revivre les personnages hauts en couleurs… Le temps de quelques pages, c’est comme si on y était. A découvrir. (note : 9/10)

Vodka-Cola

Le roman Vodka-Cola d’Irina Denejkina nous emmène dans le coeur de la jeunesse russe de St-Pétersbourg… discours cru, jeunesse désabusée qui consomme loin de toute échelle de valeur. Les thèmes (sex, drogue et rock’n’roll) nous font penser à l’Amérique des Doors sauf que cette génération que décrit Denejkina n’est ni en révolte ni porteuse d’espoir… elle s’ennuie dans le libéralisme brutal qui a succédé à l’URSS… Roman décevant d’absence de message mais peut être le vrai reflet d’une génération ? (note 6/10)

La femme des sables (le roman)

Le film (voir post du 15 avril) induit naturellement un retour vers l’inspiration d’origine: le roman La Femme des sables de Kobô Abé, un des classiques de la littérature japonaises, nous amène dans les circonvolutions d’un homme ordinaire pris au piège par des villageois dans une fosse entourée de murs de sables infranchissables. Il partage son piège avec une femme du village dont l’existence se résume à remplir des paniers de sables que les villageois vont remonter à la surface. L’homme (qui restera désigné ainsi sans identité tout au long du roman), s’indigne, repasse en revue sa vie citadine futile et sa situation actuelle tellement incongrue. Il ne pense qu’à la fuite et après une fugue râtée, finit par se convaincre que ce qui l’attendait à la ville n’a pas forcément plus de sens que ce qu’il vit dans son trou. Réflexion passionnante sur l’emprisonnement et la capacité de l’homme à se faire une raison dans toutes circonstances. Dommage que le style très poussif (probablement dû à la traduction) alourdit la lecture… (note 7/10)