Arriety, le petit monde des chapardeurs est la dernière petite merveille sortie des Studios Ghibli sous la supervision de Miyazaki dont la réputation n’est plus à établir. Plus ‘simple’ à aborder que les Miyazaki classiques, le premier long métrage du réalisateur Hiromasa Yonebayashi n’en reste pas moins dans la lignée des chefs-d’œuvre de son mentor par sa capacité à nous emporter dans un fabuleux univers poétique où on retrouve des thèmes classiques comme la relation des personnages entre eux et avec la nature, la cohabitation avec l’environnement et la lutte pour la vie. Bref, les petits chapardeurs qui empruntent ce dont ils ont besoin pour vivre aux humains sont attachants et le film passe à une vitesse incroyable. A voir. (note : 5/5)
Quartier Lointain
Découvrir Jiro Taniguchi par son Homme qui marche, manga presque muet qui accompagne les promenades de quartier d’un homme ordinaire, n’est sûrement pas la meilleure entrée en matière : malgré des dessins subtils, le livre n’en reste pas moins déconcertant (mon premier manga contemplatif). Quartier Lointain est un manga plus classique où on retrouve la même subtilité dans l’image. L’intrigue d’un homme de 48 ans qui se retrouve dans sa peau d’adolescent de 14 ans est terriblement captivante et bien menée. On se laisse volontiers emporter dans ce Japon rural des années 1960 à la recherche du temps et des occasions perdus. Chacun de nous aurait pu être Hiroshi et on n’en garde que la déception de fermer le livre trop tôt. Ma meilleure découverte dans mon expérience limitée des mangas. (note : 5/5)
Chroniques de l’Oiseau à Ressort
Six ans après une première découverte, relire les Chroniques de Haruki Murakami relève encore du voyage dans un monde mystérieux mais à portée de main qui se crée autour d’un couple banal d’un employé de cabinet juridique qui quitte son emploi et son épouse qui cache de terribles secrets d’enfance. La poésie habituelle de Murakami est cette fois, dans ce roman qui se démarque nettement du reste de son œuvre, plus discrète. C’est surtout l’absence de frontières à l’imagination dans un univers clos qui tient dans un pâté de maisons qui envoûte le lecteur : le chat disparaît, une inconnue fait du charme au téléphone, une femme au nom de l’île de Crète prédit l’avenir… on se laisse avec plaisir entraîner dans ce monde fantastique. Sans doute le chef d’œuvre de Murakami et un des meilleurs romans que j’ai eu la chance de lire. (note : 5/5)
Anna Karénine, le ballet
Que donneraient les grands classiques de la littérature russe en ballet ? Boris Eifman, chorégraphe russe qui dirige le ballet de Saint-Pétersbourg depuis plus de trente ans, tente d’y répondre avec des créations comme L’Idiot, Les Frères Karamazov, Anna Karénine ou plus récemment La Mouette. Son retour en France avec Anna Karénine permet de redécouvrir ce ballet magnifique que j’avais eu l’occasion de voir une première fois au New York City Ballet en 2005. Sur une musique de Tchaikovsky, entre classicisme et modernité, et dans une exigence où les corps sont poussés à leur extrême limite, nous y accompagnons Anna dans sa folie et son déchirement entre la traditionnelle vie familiale et une passion dévorante pour son amant, dont l’issue, « à la russe », ne peut être que fatale. Splendide. (note : 5/5)
Outrage
On attendait avec impatience le dernier Takeshi Kitano (avec Beat Takeshi en rôle principal)… et la déception est à la hauteur de l’attente : absence de scénario, acteurs absents, longueurs, dialogue et intrigue inexistants, quelques explosions de violence qui n’empêchent malheureusement pas de s’assoupir tout au long du film… à se demander s’il ne s’agissait finalement pas d’un film amateur que Kitano aurait diffusé sous son nom sans même le visionner… bref, étonnant de médiocrité ! (note : 0/5)
Fargo
Retour sur un des premiers films des frères Coen : un vendeur de voiture fait enlever sa femme par deux malfrats minables pour toucher une rançon du riche beau-père… forcément, les choses ne tournent pas comme prévu et une policière de campagne remonte lentement la piste. L’ambiance des gens ordinaires, mais au bord du précipice que savent si bien instaurer les frères Coen est bien là, musique parfaite, acteurs à la tête de l’emploi… mais un scénario un brin basique, loin de cette tension permanente de leur chef-d’œuvre No Country for Old Men. A voir mais fait penser à une œuvre de jeunesse non aboutie. (note : 3/5)
Princesse Mononoké
Miyazaki nous raconte cette fois l’histoire d’Ashikata, chef de clan dans le Japon du XVe siècle touché par la malédiction d’un sanglier transformé en dieu maléfique. Il est alors forcé de partir à la recherche du dieu cerf pour lever la malédiction qui le gangrène. Il rencontre alors un monde où les humains se battent contre les esprits de la vieille forêt pour assurer leur prospérité, thème cher à Miyazaki qui met en scène l’opposition entre progrès et respect de l’environnement et la complexité des rapports entre les hommes et leur environnement. Cette complexité ne fait que s’accroître quand Ashikata découvre que la forêt est protégée par Princesse Mononoké, une humaine adoptée par les loups… Un chouette Miyazaki. (note : 5/5)
Alamut
Ce roman historique de l’écrivain slovène Vladimir Bartol de la première moitié du XX siècle est tout simplement étonnant : partant de l’histoire de la « secte des assassins » (secte ismaélienne du XI siècle) et du récit légendaire accompagnant cette secte (le fondateur, autoproclamé prophète, régnait sur une forteresse imprenable où il formait des futurs martyrs en leur ouvrant la porte du paradis grâce à des bonbons drogués), il dénonce dès la fin des années 30 (Staline au pouvoir depuis 15 ans, Hitler fraichement arrivé) les régime totalitaires basés sur la soumission et l’aveuglement des masses. Il prophétise aussi, longtemps avant les attentats du 11 septembre 2001, ce recours au martyr au nom de la religion et du paradis céleste. Captivant, tant du point vue historique que purement romanesque. (note : 4/5)
Suivront mille ans de calme
La dernière création de Preljocaj est ambitieuse : collaboration avec le Théâtre du Bolchoï (10 danseurs du Bolchoï participent à la chorégraphie), musique de Laurent Garnier, inspiration de l’Apocalypse de Saint Jean… la barre est très haute mais le résultat dépasse les espérances : une scénographie aux inspirations indiennes impeccable, une musique électronique envoutante ponctuée de quelques passages de Beethoven, des gestes toujours aussi précis et une émotion à son comble. Comme le dit Preljocaj, la danse « stigmatise nos rituels, révèle l’incongruité de nos postures qu’elles soient d’ordre social, religieuses ou païennes. Suivront mille ans de calme voudrait effleurer cette dérive aveugle des corps, ballottés par des idéaux et des croyances, un peu perdus entre les lignes de l’Apocalypse ». Le résultat de cette réflexion est un ballet engagé qui « dévoile » les fléaux cachés dans les recoins de nos sociétés… et après, si on s’en sort, suivront effectivement mille ans de calme… Splendide ! (note : 5/5)
L’Arrache-coeur
Après avoir lu l’Ecume des jours, le titre de l’Arrache-coeur est trompeur, on s’attend à y retrouver ce fameux objet qu’Alise a utilisé pour tuer Jean-Sol Partre… mais Boris Vian nous livre un roman étonnant, moins poétique, autrement plus complexe. Nous sommes encore projetés dans un univers fantastique, un petit village perché sur les falaises qu’un étranger va voir d’un œil nouveau : le surréaliste (la foire aux vieux, les enfants esclaves, les animaux crucifiés, la religion luxe, …) se normalise lentement dans un rythme temporel déroutant et les seules personnes vivant à l’extérieur du village sombrent dans un amour obsessionnel inquiétant. Du Vian intense qui nous renvoie à notre propre folie. (note : 5/5)