Seuls, avec Wajdi Mouawad

La dernière création du dramaturge/metteur en scène et acteur libano-canadien Wajdi Mouawad a l’effet d’une bombe. Unique acteur d’une pièce qu’il a écrite et qu’il a mise en scène, Wajdi nous emmène dans un voyage intime où plusieurs thèmes s’entremêlent : celui du coma comme espace de communication et de création et non pas de silence et de solitude, celui de la langue maternelle comme dernier refuge de la conscience et celui du fils prodigue, la parabole mais aussi son interprétation par Rembrandt dans son célèbre tableau exposé à l’Ermitage à Saint-Petersbourg.

Tous ces thèmes explorés dans une discussion entre Wajdi, lui-même et des personnages imaginaires sont autant de pistes ou de moyens pour explorer ce conflit entre ce qu’on est et ce qu’on a voulu être, entre le présent réel et celui hypothétique si le passé s’était prolongé sans rupture. On retrouve les thèmes de l’exil et de l’identité perdue chers à Wajdi Mouawad sauf qu’il va encore plus loin cette fois en se posant la question ultime : au delà du changement d’espace et de langue signifié par l’exil, que se cache-t-il d’autre ? Dans le cas de Wajdi, il se cache un artiste dont le devenir se réalise brutalement dans la deuxième partie de la pièce, une brutalité qui ressemble à une sortie du cocon du quotidien, à une naissance d’un adulte à partir des rêves d’enfance. Splendide. (note : 5/5)

Pour prolonger le plaisir, une interview avec Wajdi Mouawad en marge du Festival d’Avignon en juillet 2008.

Ils Mourront Tous Sauf Moi

Ce film russe (sélectionné à Cannes 2008 dans le cadre de la semaine de la critique) raconte l’histoire de trois collégiennes dans une banlieue de Moscou qui se préparent avec ferveur à leur première soirée dansante organisée par leur école. En rébellion contre leur entourage, elles vivent leurs premières fugues, premiers flirts, premières cuites et premières rencontres avec la brutalité de la vie. Le jeu est simple mais profondément humain et naturel. Dommage que le discours de l’antipathique réalisatrice (Valeria Germanica) dans le cadre d’un débat à la fin de la projection soit d’une prétention et d’un creux qui jurent avec l’esprit du film (comment peut-on qualifier le film de non violent alors que tous les ingrédients de la violence d’une adolescence en ébullition y sont réunis?).

Projeté du 12 au 18 novembre 2008 dans la cadre de la semaine du cinéma russe à Paris, le film sort sur grand écran en janvier 2009. A voir. (note : 4/5)

Quantum of Solace

On n’a pas eu droit à la célèbre réplique « my name is Bond, James Bond », ni à l’humour décalé, ni aux petits gadgets révolutionnaires, ni à la scène romantique finale avec la nouvelle Bond Girl. A la place, un Bond méchant et pas drôle et un scénario léger et truffé d’impossibilités bien au-delà de la dose d’impossible dont est habituellement capable le MI6. Même si on ne s’ennuie pas, le dernier Bond marque une rupture, mais est-ce qu’on en a vraiment envie? (note : 3/5)

Quatre Nuits avec Anna

Ce film polonais de Jerzy Skolimowski raconte l’histoire d’un employé d’hôpital d’une petite ville en Pologne obsédé par une jeune infirmière, Anna, qu’il épie jour et nuit. Le synopsis nous raconte aussi que ce même employé avait été témoin du viol de cette même Anna dans le passé. Une fois l’histoire racontée, qu’en est-il du film ? Des acteurs fuyants (on ne s’attache ni à la victime, ni au bourreau), un étalage de glauque dont le message est incertain et une histoire incompréhensible si on ne lit pas le synopsis. Le recours aux flashbacks et à la destructuration temporelle ne fait qu’embrumer un scénario et des acteurs sans accroches. Décevant. (note : 1/5).

L’Etrange Noel de M. Jack

La version 3D de ce film d’animation fantastique issu de l’imagination de Tim Burton est… superbe. Ce conte (titre anglais The Nightmare before Christmas) raconte l’histoire de Jack, guide de Halloween Town qui s’ennuie d’organiser la fête d’Halloween depuis des siècles… jusqu’à ce qu’il découvre Christmas Town et se met dans l’esprit d’organiser la fête de Noël, version Halloween. Une fausse terreur drôle et des marionnettes en pâte à modeler aussi vivantes que celle issues des plus récents ordinateurs. Un classique incontournable. (note : 5/5)

Tokyo

Tokyo met bout à bout trois moyens métrages de trois réalisateurs différents (Michel Gondy, Leos Carax et Boong Joon-Ho) librement inspirés de la ville éponyme. Le premier raconte l’histoire d’un jeune couple qui arrive dans la capitale, lui pour devenir réalisateur, elle sans ambition jusqu’à perdre consistance. Le second, plus loufoque, montre le déchainement des sentiments populaires suite à l’apparition d’une « créature des égouts » qui sème la panique dans les rues de la ville. Le dernier suit un hikikomori (personne coupée du monde extérieur) qui, après 11 ans d’enfermement, tombe amoureux de sa livreuse de pizza. Même si le second moyen métrage (celui de Carax et sa créature des égoûts) est très en deçà des deux autres, l’ensemble présente une vision originale de la vie tokyoïte. A voir. (note : 4/5)

Preljocaj et les sept nains

Longtemps après Romeo et Juliette, Preljocaj renoue avec les histoires et nous raconte Blanche Neige des frères Grimm sur une musique de Mahler. Comme le dit Preljocaj lui-même, Blanche Neige est un « grand ballet romantique et contemporain ». La marque de fabrique du chorégraphe y est bien visible et on retrouve ces mouvements d’une sensualité extrême qu’il sait si bien insuffler à ses danseurs. Même si les moments intenses ne manquent pas (notamment ceux mettant en scène la méchante belle mère habillée par Jean Paul Gaultier), le rythme n’est pas soutenu et certains passages sans grande originalité trainent en longueur (la vie de chateau en début de ballet par exemple). Ballet merveilleux même s’il lui manque une petite dose de force dramatique et de cette créativité surprenante auxquelles Preljocaj nous a habitué. (note : 4/5)

Kundera, les communistes et la médiocrité

Les derniers titres des « grands » quotidiens français ce lundi 13 octobre : Milan Kundera aurait collaboré avec la police secrète communiste. S’ensuit un pseudo article copié d’une dépêche AFP qui cite un rapport de l’Institut tchèque d’études des régimes totalitaires (quel titre, tout ça pour étudier son propre passé). Kundera aurait un matin de mars 1950, à une époque où le communisme faisait encore rêver (et pas qu’en Europe de l’est), dénoncé un de ses camarades qui a finit en prison. L’histoire est peut être vraie mais que vient-elle faire là, maintenant? Pourquoi ne dit-on pas combien parmi les 10 milions de tchèques ont collaboré avec la police communiste à un moment de l’histoire? Pourquoi ne parle-t-on pas de Kundera qui a inlassablement dénoncé ce régime devenu totalitaire depuis les années 60? Quel sens donner à cette « banalité » de l’histoire? Faut-il juger Kundera pour cette délation dont on n’est même pas sûrs? Faut-il brûler ses livres et rayer son nom des bibliothèques litéraires?

Mais la médiocrité de l’information ne s’arrête pas là, puisqu’on a de nos jours accès aux commentaires des lecteurs de ces mêmes journaux. Je citerai ce lecteur du Monde qui s’improvise critique littéraire de supermarché et ne s’étonne guère de cette nouvelle puisqu' »il y a quelque chose de fabriqué, d’insincère dans toute son œuvre et qui suscite le malaise ». De quel malaise parle-t-il? Comment a-t-il lui seul démasqué le subterfuge d’un auteur considéré comme un des maitres du roman contemporain? Un autre lecteur traite Kundera de « crapule ». Un troisième appelle à le juger pour son crime.

Je ne vois qu’une explication à cet étalage pitoyable de révélations absurdes et de lynchage gratuit : le génie suscite parfois le respect, souvent la jalousie. Maintenant que chaque citoyen ordinaire peut donner son avis sur le site des « grands » journaux pour 5 euros par mois, on prend vite peur face à la surprenante médiocrité de cette masse jadis silencieuse. Si l’information se trouve réduite à des « scoops » loin de tout éclairage social, historique ou moral, où va-t-on?

Kundera doit se demander dans quelle société il vit. Moi aussi.

Tango

Le Tango de Carlos Saura (réalisateur du magnifique Cria Cuervos) oscille entre légèreté et démons de l’Argentine face à son histoire. La mise en abyme d’un spectacle dans le film permet d’alterner scènes de tango, images d’archives et scènes de danse angoissantes (dignes d’un Preljocaj). Si le résultat traine en longueur et manque parfois de cohérence, l’esthétisme n’en est pas moins envoutant. Film intéressant même s’il lui manque un petit quelque chose pour être un grand film. (note : 3/5)

La Dolce Vita

La Dolce Vita nous fait voyager dans la nuit italienne des années 60 en compagnie de Marcello Mastrioanni qui joue le rôle d’un chroniqueur à la poursuite des femmes et du plaisir. Que cette vie est douce et ennuyeuse pendant les quelques 2h40 que dure le film qui, finalement, ne mène nulle part. (note : 2/5)