Vie et destin (le roman)

Dans son roman, Vassili Grossman nous fait voyager dans l’URSS de la seconde guerre mondiale à travers le destin de plusieurs personnages entre Stalingrad, Moscou, la Loubianka (la prison du KGB) et les camps nazis. Pour reprendre la quatrième de couverture, « l’auteur s’interroge sur la terrifiante convergence des systèmes nazis et communistes ». Ce n’est donc pas par hasard que son livre a croupi dans les geôles soviétiques et n’a jamais été publié de son vivant.

Mais ce n’est pas uniquement le caractère libre et contestataire pour l’époque qui fait le seul intérêt de ces quelques milles pages de roman, c’est surtout la puissance de la vision philosophique de l’homme (à la fois faible et cruel) du XX siècle, la précision des descriptions qui donnent la chaire de poule, et cette profondeur (tragique) des personnages qu’on retrouve dans le roman russe (Dostoïevski, Tolstoï, …). Bref, vous l’aurez compris, on parle ici d’un chef d’œuvre dont la discrétion est un mystère. Une découverte qui laisse la bouche bée. (note 5/5)

La flamme

Nous vivons encore un grand moment de communication mondiale… D’un côté, les gentils : les « olympistes » (fervents croyants dans les valeurs universelles non mercantiles des JO), les comités olympiques, le régime chinois, les sponsors, etc. De l’autre, les méchants : reporters sans frontières, les che guevara modernes qui veulent libérer le Tibet, les boycotteurs…. Tout de suite, chacun sort les grands mots, comme à la bonne vieille époque de guerre froide où tout désaccord devenait d’ordre moral : les chinois parlent de blasphème, Sarko parle de tristesse, le CIO parle de haine, on crie, on pleure, vite, cachons la flamme dans un bus avant que le rêve ne s’éteigne.

Entre ces deux extrêmes, la grande majorité des gens regarde, atterrée, ces images où de jeunes rêveurs se font tabasser par des flics (en France…) parce qu’ils soufflaient leurs idéaux sur une torche en plastique… entend ces discours creux d’une hypocrisie honteuse prononcés par chaque bord qui ne voit que sa propre vérité. J’en fait partie, de cette majorité désolée de voir où nous en sommes… et je me pose une seule question : quel est le sens de cette immense mascarade ?

La Zona

Trois adolescents pénètrent à Mexico dans une zone résidentielle aisée ultra protégée. Les habitants de la « zona » décident de faire justice eux-mêmes et entament une chasse à l’homme sans pitié. La peur du « pauvre », la violence sauvage qui nait de cette peur, la corruption de la police mexicaine et l’indifférence à la vie humaine sont magistralement mises en scène. La zona révèle subtilement, à partir d’un fait divers, toute la monstruosité humaine. Superbe. (note : 4/5)

Les 4 Saisons de Preljocaj

Les ballets de Preljocaj sont ce que j’appellerai une manifestation du Beau. Les 4 Saisons, spectacle crée en 2005 sur la symphonie de Vivaldi, ne fait pas exception. Le ballet étonne parce qu’il s’écarte du registre dramatique d’autres ballets du même chorégraphe comme Roméo et Juliette ou Annonciation. Nous sommes surpris par le foisonnement des couleurs, les formes qui parcourent le plafond et les pointes d’humour (comme les bonshommes verts ou l’homme éponge). Mais la magie et la sensualité, tellement rares dans les spectacles « modernes », ne font pas défaut et Preljocaj réussit, encore une fois, à nous faire rêver. Enchanteur et magnifique. (note : 5/5).

Dolls

Dans Dolls, Takeshi Kitano nous fait voyager à travers trois histoires d’amour (tragiques) inspirées des spectacles de poupées japonaises Bunraku. D’une esthétique envoutante, on se laisse bercer par le rythme de ces amoureux qui traversent à pied, attachés par un cordon rouge, les magnifiques paysages japonais. Contemplatif et splendide. (note : 4/5)

L’Auberge espagnole

J’ai enfin vu, 5 ans après sa sortie, le film tant acclamé de Cedric Klapisch… et je suis enfin rassuré de voir que finalement: 1. je n’avais absolument rien raté à l’époque; 2. le cinéma français est toujours aussi désespérant de platitude et de nombrilisme dans la mesure où un nom connu suffit à transformer un film d’une banalité affligeante en chef d’oeuvre. Que dire encore… que le film est mal joué, mal tourné, aux dialogues creux et aux personnages sans épaisseur? Oui, bien sûr, on finit par sourire quand on est bon public mais ça ne dure que l’espace de quelques secondes de faiblesses…

Le cinéma français ne semble pas sorti de l’auberge (jeu de mot à la hauteur des dialogues du film) et nous sommes encore loin du jour où les critiques jugeront un film sur son originalité et sa dimension dramatique (en tant que véhicule d’émotions et non pas de généralités) au lieu d’acclamer le casting de ces mêmes acteurs qui peuplent la majorité des affiches. (note : 1/5)

Lust, Caution

Lust, Caution raconte l’histoire de résistants chinois lors de l’occupation japonaise des années 1940 à travers celle d’une jeune étudiante à qui est assignée la mission de séduire un des chefs de la collaboration chinoise avec les Japonais. Ce qui se veut être un thriller entre érotisme, suspens et bravoure est limité par le manque de profondeur des caractères… ce qui se veut subtil est lourdement stéréotypé mais on se laisse séduire par l’esthétique des images, dernier rempart avant l’ennui (note : 3/5).

Vie et destin (la pièce)

Vie et Destin, le roman culte de Vassili Grossman, a été mis en scène par le théâtre Maly de Saint-Petersbourg. Après une première tournée en 2007, son retour au MC93 à Bobigny n’est pas passé inaperçu. Lev Dodine (le metteur en scène) a réussi un rare tour de force : adapter au théâtre, moyennant quelques concessions, un roman fresque de plus de milles pages qui décrit sans concession la Russie soviétiques de la deuxième guerre mondiale… à telle point que son roman a croupi dans les geôles du KGB pendant une vingtaine d’année et n’a été édité qu’après sa mort. Mais je n’en dirai pas plus pour le moment (roman en cours de lecture). Quant à la pièce, elle vaut le détour ! (note : 4/5)

L’Assassinat de Jesse James

par le lâche Robert Ford est un film nombriliste qui se prend au sérieux : l’esthétique parfois poussée à l’extrême prend souvent le dessus sur l’action jusqu’à devenir le seul point d’intérêt. Mais à la différence des westerns « traditionnels » auxquels le film est souvent (à tort?) comparé, la mélancolie des personnages et des plans, la voix off qui nous tient par la main sans nous laisser le temps de rêver, les images et décors lisses contrastent avec la vision rugueuse de l’Amérique du XIX siècle véhiculée par les westerns. Les films contemplatifs, lents, longs et plastiques semblent être une nouvelle mode à en croire celui-ci et le dernier film des frères Coen (No country for old man)… Sans tomber dans l’extase de certains critiques, on se laisse prendre au jeu, on admire la prestation de Brad Pitt et de Casey Affleck, mais on reste convaincus qu’il manque encore quelque chose pour créer l’émotion. (note : 3/5)